C.F.D.T.

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La C.F.T.C. a mis vingt ans à se «déconfessionnaliser». Le processus qui aboutit en 1964 à l’apparition de la Confédération française démocratique du travail (C.F.D.T.) passe en partie par la suppression de l’hégémonie de la Fédération intersectorielle des employés, symbolisée par la désignation d’un ouvrier métallurgiste, Eugène Descamps, au secrétariat général. Après l’abandon de la référence chrétienne et la scission qui l’accompagne, la C.F.D.T. entreprend de consolider son assise et sa démarche. Le mouvement de mai 1968 l’entraîne sur la voie de l’autogestion. La rupture de l’Union de la gauche permet à son deuxième secrétaire général, Edmond Maire, d’effectuer un «recentrage», qu’il estime suffisamment stabilisé en 1988 pour laisser la place à Jean Kaspar à la tête de l’organisation.

La consolidation de la C.F.D.T. par l’unité d’action avec la C.G.T.

Dans les mois qui suivent le congrès extraordinaire de novembre 1964, les militants de la C.F.D.T. «contrent» sévèrement les initiatives des mainteneurs de la C.F.T.C. Ils leur disputent sigle et locaux. Il s’agit de restreindre au minimum la scission. Dans le même temps, la nouvelle centrale entend démontrer sur le terrain sa capacité d’action et de proposition. Le patronat contrarie cette perspective en affichant une intransigeance complète qui, combinée avec la montée du chômage, sera une des causes de Mai-68. Eugène Descamps conduit avec habileté sa centrale, évitant en 1965 de prendre position pour l’élection présidentielle entre François Mitterrand et Jean Lecanuet.

Face à l’immobilisme patronal, la C.F.D.T. cherche à dynamiser le mouvement social. Des entretiens ont lieu avec Force ouvrière pour explorer les voies d’un rapprochement organique. Ils achoppent sur la question de l’entente avec la C.G.T., qui est exclue par André Bergeron alors qu’elle est considérée comme nécessaire par Eugène Descamps. Un accord national est conclu entre la C.G.T. et la C.F.D.T. le 10 janvier 1966. Il marquera durablement la vie syndicale en France. Au sein de la centrale déconfessionnalisée, l’option qu’il représente ne satisfait pas les modernistes comme Edmond Maire, dirigeant de la Fédération de la chimie, ou les militants qui restent proches de l’ancienne C.F.T.C. Le président de la C.F.D.T., Georges Levard, démissionne en 1967 pour protester contre l’orientation suivie par le secrétaire général. Des journées d’action sont lancées avec la C.G.T. pour la défense de la Sécurité sociale et de l’emploi (17 mai et 26 nov. 1966, 1er févr., 15 mai et 13 déc. 1967). La C.F.D.T. s’oppose aux tentatives effectuées par la C.G.T. d’associer directement le P.C.F. à ces manifestations.

La fin de l’année 1967 et le début de l’année 1968 sont secoués par des grèves dures, à la Rhodiaceta, à Berliet, à Caen, où les militants de la C.F.D.T. s’illustrent par leur ardeur. Ils s’investissent avec la même fièvre dans le mouvement de mai, que la C.G.T. entend conduire de manière raisonnable. Le 16 mai 1968, le bureau confédéral cédétiste lance le mot d’ordre d’autogestion. La centrale d’Eugène Descamps cherche à relier la révolte étudiante et la grève ouvrière. Elle déplore que, durant les négociations de Grenelle, le patronat et le gouvernement aient choisi la C.G.T. pour principal interlocuteur. Aussi approuve-t-elle la présence de Fredo Krumnow au meeting de Charléty. Le 29 mai, elle lance un appel à Pierre Mendès France et, après le retournement de la situation par le général de Gaulle le 30 mai, elle soutient les derniers élans grévistes.

La radicalisation et le recentrage

Réformiste ou révolutionnaire? Après l’épopée de Mai-68, la C.F.D.T. hésite entre les deux virtualités de sa modernité. Elle invite à voter pour Alain Poher au second tour de l’élection présidentielle de 1969. Elle est sensible aux vertus de la nouvelle société que Jacques Chaban-Delmas promeut avec les conseils de Jacques Delors, un ancien militant de la C.F.D.T. des banques, et plusieurs fédérations de l’E.D.F., de la S.N.C.F., de la fonction publique signent des contrats de progrès. Localement, la C.F.D.T. s’illustre par des actions énergiques à Cholet, Sochaux, Dunkerque. Le XXXVe congrès, en 1970, proclame l’entrée officielle de la C.F.D.T. dans le courant socialiste, mais il y accole l’adjectif autogestionnaire. Les assises d’Issy-les-Moulineaux manifestent la radicalisation de l’organisation. Paul Vignaux parle de «gauchissement». La majorité qui s’est affirmée recouvre des projets différents. À côté des partisans de la lutte des classes au service d’un socialisme démocratique, on trouve des «régulationnistes» qui rêvent d’une république industrielle. Dans l’enthousiasme du congrès de 1970, une réforme des statuts est votée, qui accorde une grande autonomie à la commission exécutive et dont les effets se feront sentir progressivement.

Pour l’heure, l’unité d’action avec la C.G.T. est relancée. Edmond Maire succède à Eugène Descamps en septembre 1971 et le nouveau secrétaire général confirme l’alliance privilégiée, tout en accentuant l’originalité des options de sa propre centrale en matière d’égalité entre hommes et femmes, de réduction de la hiérarchie des salaires, de défense de l’environnement. La C.F.D.T. refuse de couper les ponts avec les gauchistes et de s’inscrire complètement dans la problématique du Programme commun signé en 1972.

En 1973, le secrétaire général commence à trouver la présence des gauchistes trop envahissante et il dénonce, lors du XXXVIe congrès, leur volontarisme minoritaire. Il prône le réalisme et s’il accorde son aide à la lutte chez Lip, c’est à la fois pour embarrasser la C.G.T. et pour amorcer une pratique de contre-proposition industrielle qui requiert d’abord l’intervention des experts et non la mobilisation des travailleurs. Après le bon score de François Mitterrand lors de l’élection présidentielle de 1974, la C.F.D.T. participe à l’opération des Assises du socialisme, qui vise à confirmer le rééquilibrage de la gauche en faveur des socialistes et, à l’intérieur du Parti socialiste, en faveur du courant autogestionnaire.

Le remplacement de Jacques Chirac par Raymond Barre, qui se propose de répondre à la crise économique par des mesures d’inspiration libérale, redonne du champ à l’unité d’action C.G.T.-C.F.D.T. Edmond Maire veille à garder les mains libres. Il obtient du congrès de 1976 une condamnation sans appel des gauchistes. Il amorce une analyse modérantiste de la crise. Lorsque la désunion de la gauche éclate, il proclame avec célérité et vigueur la nécessité du «recentrage». Ceux qui avaient contesté les réserves de la direction à l’égard du Programme commun sont sommés de reconnaître leur erreur: la «gauche syndicale» est défaite.

Le recentrage, qui sera appelé par la suite la resyndicalisation, vise à corriger le trop fort assujettissement de l’action syndicale aux échéances électorales. La reprise du dialogue avec le C.N.P.F. et le gouvernement s’accompagne aussi de la proclamation du réalisme, de la supériorité du contractuel sur le législatif, de l’insistance sur les contraintes extérieures. Le congrès de Brest, en 1979, adopte le nouveau cours, non sans résistance interne qui se traduira par le refus en juillet 1980 d’un accord sur la réduction du temps de travail jugé trop favorable au point de vue patronal par le bureau national. Pour faire prévaloir ses vues, Edmond Maire estime qu’il convient de ruiner l’influence des idées cégétistes au sein de sa centrale. Prenant appui sur le raidissement qui se manifeste à la C.G.T., il rompt avec la centrale d’Henri Krasucki à propos de l’invasion de l’Afghanistan et de son engagement en faveur du P.C.F.

Le succès de François Mitterrand à l’élection présidentielle de 1981 est saisi comme l’occasion d’inscrire dans la réalité les conceptions de la C.F.D.T. Les lois Auroux reprennent – obligation de négocier, expression directe des salariés – des propositions de l’organisation cédétiste. La C.F.D.T. préconise de nouvelles solidarités, réclame la rigueur économique. Des résultats insuffisants aux élections pour la Sécurité sociale en 1983 et le repli des effectifs n’incitent pas la direction à remettre en cause sa ligne, mais à prendre ses distances avec le Parti socialiste. La C.F.D.T. coopère avec Philippe Séguin, le ministre du Travail de Jacques Chirac. Elle soutient faiblement le mouvement des étudiants et la grève des cheminots, à la fin de 1986 et au début de 1987. En 1988, Edmond Maire passe le flambeau à Jean Kaspar (qui démissionnera en novembre 1992) avec la double tâche de dépasser les tensions internes et de faire progresser les orientations et la politique d’action de la C.F.D.T. Les atouts existent: une audience réelle, des capacités militantes (fort ébranlées, il est vrai); les variations observées depuis 1964 montrent l’ampleur des contradictions à surmonter, entre un syndicalisme contestataire, un organicisme catholique et un néo-libéralisme, comme l’étroitesse des chances de s’affirmer de manière vivace entre la C.G.T., F.O. et la C.F.T.C.

C. F. D. T. [seɛfdete] n. f.
ÉTYM. 1964; sigle.
Confédération française démocratique du travail. || La C. F. D. T. est issue de la scission de la C. F. T. C. || Membre de la C. F. D. T. Cédétiste.
tableau Abréviations les plus usitées.

Encyclopédie Universelle. 2012.

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